Cette période de confinement permet, à ceux qui le peuvent, de prendre du recul et de se mettre en observateur de la situation que nous vivons. Personnellement, je suis frappée et souvent agacée de voir tout un chacun donner son avis sur ce qui aurait être dû fait, les décisions qu’il fallait prendre, les fameux « y’a qu’à, faut qu’on » de ceux qui parlent mais ne sont jamais ceux qui doivent décider. Il y a ceux qui menacent des comptes qu’il faudra régler après, ceux qui portent plainte contre l’état…. alors évidemment il y a beaucoup de politique dans tout cela mais il y a aussi beaucoup de croyances et convictions dont les fondations sont fragiles, alimentées par les média.
Nous sommes en démocratie et la liberté qu’elle permet est certainement notre bien le plus précieux. Liberté de penser, de dire, d’agir, d’aller et venir…
Les media usent de cette liberté mais peut-être parfois en abusent-ils aussi? Depuis plus d’un mois, comme le rappelait le philosophe André Compte-Sponville dans une interview sur Europe le 19 avril, les TV, radio, presse et autres nous servent du coronavirus en boucle H 24. Chaque jour on décompte le nombre de morts, près de 20 000 à date. C’est évidemment terrible mais il faut mettre cela en perspective des 157 000 décès provoqués par le cancer en 2018 en France. Cette « covid communication » dont nous sommes abreuvés en permanence crée un sentiment de panique et focalise toute notre attention. Il suffit de se souvenir du comportement irrationnel que nous Français avons collectivement eu juste avant le confinement pour dévaliser les rayons des magasins et stocker des kilos de pâtes.
Chaque jour a son lot d’informations et contre-informations, fake news ou pas on ne sait plus trop… Nous découvrons l’incertitude de la situation que nous vivons et nous sommes mal à l’aise avec cette incertitude, elle nous dérange. Nous devenons binaires, c’est blanc ou noir mais pas gris. Que fait le gouvernement? ils nous disent tout puis son contraire? Que décident les politiques, les élections municipales puis des couvres-feu dans certaines villes 8 jours plus tard?
Où est passé notre esprit critique? le vrai, celui qui nous permet de prendre de la distance par rapport à des faits, de quitter le terrain mouvant de l’émotion pour y poser un regard objectif et froid .
J’aimerais partager avec vous la lecture des décisions que nous tous pouvons être amenés à prendre ou jugements que nous pouvons énoncés au regard des biais cognitifs qui peuvent inconsciemment nous influencer.
Je vous invite à prendre une heure, au calme pour écouter cette conférence proposée par Nicolas Lemoine de HEC Paris et animée par le Professeur Olivier Sibony. Elle vous donnera de clés pour décrypter l’information et retrouver votre esprit critique, le vrai!
Dans son exposé, Olivier Sibony met en évidence plusieurs biais:
– la probabilité qui rationalise le fait que par peur nous puissions sur-réagir à un risque et donc sur-évaluer ses conséquences alors que ses probabilités réelles d’arriver sont faibles. Ce biais nous invite à ne pas nous affoler pour rien.
– le modèle mental qui nous pousse à comparer ce que nous vivons à ce que nous avons déjà vécu, ce qui a influé sur les comportements adoptés par des pays asiatiques qui avait connu le SARS en 2003 et nous en France la grippe A en 2009. Nous avons pensé que ce n’était qu’une grippe (avis porté par le corps médical lui-même encore début mars).
– la croissance exponentielle en laquelle on ne veut pas croire car cela nous semble trop énorme.
– le biais d’endo-groupe qui nous fait penser que nous sommes différents des autres et que ce qui peut leur arriver ne nous arrivera pas.
– l’excès de confiance ou sur-précision qui nous amène à mal estimer l’avenir.
– l’imitation qui fait que notre comportement est influencé par celui des autres.
Cette analyse permet de porter un autre regard sur nos comportements, les prises de parole et position des experts, les décisions depuis le début de cette crise.
Pour ma part, elle m’amène à considérer avec distance et humilité de ce que je vois, je lis et j’entends. Cette grille de lecture permet aussi de prendre conscience du rôle de chacun des acteurs : media, politiques, spécialistes; de leurs interactions et conséquences qu’elles peuvent provoquer…. et retrouver, je l’espère, plus d’esprit objectivement critique.
Lien vers la conférence du Professeur Olivier Sibony/HEC:
https://www.youtube.com/watch?v=H6IAOM3Ei2o