SOCIETE EN CRISE OU CRISE DE NOTRE SOCIETE?

Depuis mars 2020, nous sommes à la fois en pleine tourmente et dans le brouillard. Tel un bateau, nous naviguons individuellement et collectivement à vue. Nous avons perdu nos repères habituels pour tracer notre route.

1/ L’atteinte à la biodiversité = la cause de ce virus ?

Comme le précise Jennifer de Temmerman et Alain Dubois dans la préface de leur rapport « Repenser nos sociétés à l’aune des ODD » dans le cadre de la Fondation Jean Jaurès :

Pourtant, ce n’est pas la première épidémie à portée internationale. Ces dernières décennies ont été marquées par les virus H1N1, Ebola et Zika, mais la propagation est demeurée relativement restreinte à certains continents et les autorités sanitaires ont souvent réussi à les circonscrire à certaines espèces animales avant la transmission (possible toutefois) à l’homme sur nos territoires. D’autres épidémies nous sont tellement familières qu’elles ne sont plus perçues comme telles (grippe ou sida).

Aussi ces menaces n’ont-elles peut-être pas suffisamment été prises au sérieux comme le suggérait pourtant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2016 à travers la voix de Sílvia Eloïsa Bonet, rapporteure, parlementaire de la principauté d’Andorre : « Certains experts sont convaincus que la prochaine menace de contamination à l’échelle internationale proviendra d’un autre virus, très probablement transmis par voie respiratoire ou aérienne comme le SRAS, et susceptible de se propager sur de grandes distances et plus rapidement, à l’image de la flambée épidémique survenue en République de Corée en mai 2015, avec un schéma comportemental totalement différent de l’épidémie d’Ebola. »

Propos prémonitoires en 2016…. L’atteinte à la biodiversité entraîne le développement de zoonoses, maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’homme. C’est une prise de conscience violente pour une partie de la population mondiale épargnée jusqu’à présent. Le changement climatique et toutes ses conséquences s’imposent au cœur de nos modes de vie et de consommation. Les lignes bougent.
L’état légifère (ex : Loi contre le gaspillage et l’économie circulaire en 2020). Nos propres comportements évoluent. De plus en plus d’entreprises changent leurs pratiques.
Les mentalités se transforment  enfin…

2/ La nécessité d’une souveraineté nationale

La France d’après-guerre s’est reconstruite autour de grandes priorités notamment l’indépendance énergétique avec le nucléaire et une agriculture performante pour nourrir durablement une population qui avait souffert de privations.
Cette crise sanitaire nous a rapidement rappelé que nous devons impérativement maîtriser certains secteurs : l’énergie, l’alimentation et la santé. Proposer des aliments de qualité, en quantité suffisante, respectueux des sols est un enjeu important et complexe pour toute une filière. Rapatrier en France, certaines molécules pour fabriquer en autonomie les médicaments dont nous avons besoin est aussi stratégique.

Enfin, j’aurais envie d’ajouter l’éducation. Préparer les enfants d’aujourd’hui aux enjeux de demain est capital. Former tout au long de la vie chacun pour s’adapter à une évolution rapide des métiers fait aussi partie de notre indépendance.

3/ Des inégalités sociales amplifiées

Déjà présentes, elles sont accrues par la crise que nous connaissons. Nous avons tous été frappés à la Une de la presse par le terme « Les Invisibles ». Il représente toutes celles et tous ceux qui ont un impact social fort mais dont la reconnaissance pécuniaire n’est pas proportionnelle. Personnel soignant, techniciens de surfaces, éboueurs, manutentionnaires, agriculteurs, vendeurs, ouvriers, chauffeurs, etc… ils sont nombreux ceux qui ont continué à travailler pour accueillir les malades, approvisionner les Français.
Autre inégalité révélée par cette crise : l’inclusion numérique qui a laissé sur le bord de la route de nombreux jeunes malgré la mobilisation d’acteurs locaux. Aujourd’hui, on estime à 13 millions le nombre de Français éloignés du numérique (Mission Société Numérique – Ministère de l’Economie et des Finances). Cela couvre à la fois l’accès à un matériel adéquat mais aussi la formation nécessaire pour utiliser les outils.

Une digitalisation de notre quotidien qui fragilise aussi de nombreux acteurs économiques mal préparés à ce tsunami. Cette crise oblige de nombreuses entreprises à réaliser en quelques mois des transformations qu’elles pensaient initialement avoir le temps de mener. Mais elles sont loin d’avoir intégré le potentiel mais aussi les risques que pourraient représenter l’Intelligence Artificielle, la 3D, la 5G, etc…sur leur modèle économique s’ils n’étaient pas pris en compte.

En réponse à cette situation, on assiste aussi à la naissance de nouvelles solidarités. L’état intervient par les mesures de soutien aux secteurs les plus touchés (même si dans de nombreux cas, ils ne suffiront malheureusement pas). Les régions, départements et communes se mobilisent pour accompagner les entreprises et les population. De nombreuses initiatives de digitalisation des commerces locaux ont été mises en place pendant ce second confinement. Les associations et les citoyens sont parties-prenantes pour aider et faire émerger toutes les initiatives gagnantes. Je pense notamment au bel élan du mouvement citoyen « Croisons le faire » qui mobilise en région Hauts de France toutes celles et ceux qui veulent agir et croient en l’intelligence collective.

4/ La crise de la confiance

Comme l’explique Antoine Bristielle dans le rapport : « Bas les masques ! » : Sociologie des militants anti-masques (fondation Jean Jaurès) : « En utilisant les données du Baromètre de la confiance politique, Luc Rouban (La matière noire contre la démocratie) montre ainsi que, lors de la précédente décennie, la confiance dans l’institution présidentielle, pourtant pilier de notre régime, avait chuté de neuf points, passant de 34% à 25%. »
Cela s’est concrètement traduit par le mouvement de protestation des gilets jaunes (majoritairement à gauche), les pro Raoult et anti- masques (principalement à droite), les 46% de Français qui déclarent ne pas faire confiance au vaccin Covid (54% favorables selon une étude Ipsos d’octobre 2020) jusqu’aux diverses théories du complot comme la vidéo Hold-Up.

5/ Quel projet de société pour la France ?

Finalement tout ce que nous vivons depuis des mois et qui est latent depuis des années, ne nécessite-t-il pas de nous redéfinir un projet commun ?
Après-guerre, il fallait reconstruire, s’équiper, donner accès à l’alimentation, au confort, à l’éducation au plus grand nombre. Il nous fallait regagner notre place dans le monde, être reconnu comme une puissance, défendre nos territoires et tenir notre rôle parmi les plus grands.

Aujourd’hui, quel est notre idéal ?

Comment vivre ensemble de façon plus durable sur cette planète ?
Les enjeux environnementaux sont aussi sociaux et économiques.
Le pays se déchire, se radicalise. Nous pouvons parfois donner l’impression que ce qui nous sépare est devenu plus important que ce qui nous rassemble depuis des siècles.
Quel est notre socle commun ? Comment créer des ponts entre nous pour nous relier ?

Depuis la loi Pacte, de plus en plus d’entreprises redéfinissent leur raison d’être. Certaines deviennent entreprises à mission (ce qui ne les exonèrent pas de faire face au paradoxe économique dans un marché mondial). D’autres s’engagent dans une démarche de labélisation B-Corps (une centaine en France en 2020). D’autres encore se mettent en chemin pour s’améliorer, conscientes de leur impact.

Quelle est la raison d’être de la France? Comment voulons-nous construire notre avenir et celui de nos enfants ? Quelle démocratie et quelle gouvernance voulons-nous ?….

Sources :
https://jean-jaures.org/nos-productions/repenser-nos-societes-a-l-aune-des-odd-preservation-durable-de-notre-patrimoine
https://jean-jaures.org/nos-productions/bas-les-masques-sociologie-des-militants-anti-masques
https://jean-jaures.org/nos-productions/vaccins-la-piqure-de-defiance